"Heat" de Michael Mann fait partie de ces films qui me fascinent. Je mesure ceci au fait que je n'ai jamais eu la moindre difficulté à me souvenir du film dès le premier visionnage. Et les nombreux visionnages ne suffisent pas à baisser l'intensité des différentes scènes du film.
On peut l'exprimer d'une autre façon. C'est un film riche de sens qui offre plusieurs pistes de lecture.
D'abord, l'évident film d'action. Avec des scènes d'autant plus mémorables qu'elles sont brutales, sans concession, spectaculaires.
On ressent une tension palpable dès le départ du film qui ne quitte pratiquement jamais le spectateur pendant les presque 3 heures qu'on ne voit pas er. Certaines scènes sont mémorables comme les deux hold-up car filmés d'une manière particulièrement réaliste dans un Los Angeles en décors naturels.
Et puis, à l'image de deux films (au moins), l'un de Mann, "le solitaire" (1981) et l'autre de Melville, "le Samouraï" (1967), Michael Mann met en scène divers individus. Des individualités. Tout le problème du film va reposer sur la phrase suivante (en substance) que prononce De Niro et que le film va décliner sous différents modes.
"Si tu veux durer dans ce métier, tu dois quitter tout ce à quoi tu tiens en quelques secondes"
Et c'est bien le problème qui va se poser et qui va toucher tout le monde. Effectivement qu'on soit truand ou flic, il conviendrait presque d'être solitaire (un moine ! comme cela est suggéré dans le film), d'accepter d'être définitivement seul. Pour ne pas faire souffrir, pour ne pas souffrir, pour se consacrer pleinement à sa tâche. Mais c'est une opération pratiquement impossible comme le montre le film en décortiquant les relations difficiles mais réelles de Al Pacino, de Val Kilmer ou même de De Niro avec leurs femmes, dans des registres à chaque fois différents.
Il existe une troisième façon de regarder ce film avec son absence de manichéisme. Les flics sont payés pour combattre les truands et le travail des truands consiste à réussir leurs coups sans se faire prendre. Mais surtout, chacun, flic ou pas, possède une face claire et une face sombre. Pacino, en tant que flic a un comportement border line vis-à-vis de ses collaborateurs. La relation qu'entame De Niro avec la libraire est d'entrée ambiguë parce que bâtie sur le mensonge. C'est cette absence de manichéisme qui va permettre la rencontre presque surréaliste et mémorable entre De Niro et Al Pacino autour d'un café. Le film va plus loin puisque la victime du hold-up (un fonds de pension ou quelque chose dans ce gout là) adopte lui aussi des manières de gangsters pour récupérer ses avoirs.
J'en viens même à me demander dans quelle mesure Michael Mann en mettant en scène Al Pacino et De Niro ne fait pas une sorte de clin d'œil à ces autres grands films que sont les "Parrains" de Coppola où ils étaient père et fils.
Quant à la distribution, outre les trois acteurs principaux déjà mentionnés, il y a plusieurs acteurs qui donnent un véritable cachet au film comme Wes Studi en flic, Diane Venora dans le rôle de la femme de Al Pacino, Natalie Portman dans le rôle de sa fille adoptive, Jon Voight en commanditaire de De Niro, Kevin Gage dans le rôle du tueur psychopathe Waingro, …
Un des meilleurs films de Michael Mann, dense et haletant.