Predator: Killer of Killers
6.5
Predator: Killer of Killers

Long-métrage d'animation de Joshua Wassung (2025)

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"Parcours les étoiles à la recherche des proies les plus puissantes. Elles seront ton trophée. Deviens le tueur parmi les tueurs." Code d'honneur Yautja 0522/74


Le Bouclier, Le Sabre, La Mitraille



J’adore le Yautja. Cette espèce tout droit sortie du génie de John McTiernan, alliant sauvagerie primaire, attirail technologique futuriste et rituel tribal, incarne l’un des monstres les plus fascinants jamais conçus pour le cinéma. Depuis sa première apparition en 1987, il a pris bien des formes dans les multiples suites, spin-offs et relectures, parfois inspirées, d'autrefois discutables, mais il reste depuis sa toute première apparition, une créature mythique et culte. Un véritable étendard de l’écurie Predator. Chasseurs de l’extrême, prédateurs du prédateur, les Yautjas allient une bestialité féroce à une brutalité méthodique. Mais ce qui les distingue des simples créatures belliqueuses, c’est leur code d’honneur. Ils possèdent un sens aigu du duel, du mérite, et de la traque équitable. Un sens de l’honneur saisissant, tempéré par une violence extrême, où chaque proie vaincue devient un trophée écorché. Ils sont l’élite du combat ritualisé en tant que guerrier extraterrestre. Alors, forcément, lorsqu’un long-métrage d’animation voit le jour sous la houlette de Dan Trachtenberg, qui a déjà fait ses preuves avec Prey, et Joshua Wassung, il y a d’abord un mélange d’excitation et de crainte. Car oui, je maintiens que tout n’est pas naturellement adaptable à l’animation, surtout quand il s’agit de rendre la tension viscérale et l'atmosphère oppressante englobant le monstre. Mais le projet semblait ambitieux en tant que relecture stylistique et mythologique, jouant sur plusieurs époques historiques, avec la promesse d’un univers enrichi, et d’une traque réinventée à travers les âges. Alors, j’en espérais au moins le plaisir brut et primitif de la chasse. Sentir à nouveau le frisson de la survie dans un monde sans pitié, à l’ère du fer, du katana ou de l’aire atomique. Sauf que oui et non. Ou pas vraiment. Ou pas assez.



Sur un scénario de Micho Robert Rutare, d'après une histoire de Dan Trachtenberg et Micho Robert Rutare, on visite trois époques différentes (du moins dans un premier temps), conduisant à trois confrontations, et à chaque fois trois frustrations. Sur le papier, le concept est brillant avec ces trois histoires indépendantes (mais secrètement liées) où un Predator affronte des guerriers redoutables à travers les âges. D'abord, en 841 après Jésus Christ, en Scandinavie, où on suit Ursa, une combattante viking animée par une soif de vengeance viscérale. Ensuite, au Japon, en 1629, avec Kenji, un samouraï pris dans une vendetta d'honneur face à son frère. Et enfin, en 1942 durant la Seconde Guerre mondiale, où on suit Torres, un pilote d'avion de chasse de l'US Navy. Ces trois histoires sont indéniablement sympathiques. J’ai une nette préférence pour les segments viking et samouraï, qui bénéficient d’une atmosphère plus immersive, tandis que celui centré sur l’aviation m’a paru un peu plus convenu, même si je reconnais que la confrontation en aviation contre un Yautja à de quoi vendre une nouveauté bienvenue. L’action est globalement réussie, avec des affrontements bien orchestrés, notamment ceux se déroulant dans le Japon féodal, qui offrent les duels les plus marquants. Mais tout va trop vite, bien trop vite. Les trois récits s’enchaînent sans laisser le temps de s’immerger, si bien qu’on ne peut que se raccrocher aux combats. La tension propre à la traque s’efface au profit d’une véritable guérilla, où le Predator ne sélectionne plus ses proies une à une mais se jette dans une frénésie meurtrière. Beaucoup tombent, mais leur mort nous laisse froids, car le film ne nous accorde jamais l’espace émotionnel nécessaire pour que ces pertes aient du poids. Le film dure à peine 90 minutes, ce qui ne permet jamais à chaque arc de vraiment respirer. Sachant, que ce n'est pas 90 minutes pour trois histoires, mais pour quatre ! En effet, le chapitre final réunit les trois héros dans une même époque, pour mieux les catapulter sur la planète des Predators pour une ultime confrontation orchestrée par le roi des Yautja. L’idée n’est pas mauvaise, voire excitante dans sa promesse de crossover temporel. D’ailleurs, on a droit à un clin d’œil direct à Prey, puisque l’héroïne du film y fait une apparition en tant que prisonnière. Mais l’ensemble sonne creux, car trop survolé. Trop rapide. Trop simple. Et surtout, il y a un problème de cohérence.



Les feuilles d'un arbre poussent côte à côte, mon frère. Pourtant, elles tombent seules.


Physiquement, la représentation des Yautja n’est pas sans mérite. Chacun des trois Predators arbore un design distinctif, avec des armures et des armes adaptées aux époques dans lesquelles ils interviennent. Celui évoluant en Scandinavie manie une arme à projection d’ondes greffée à sa main, certes originale, mais peu maniable. Le Predator du Japon féodal utilise un fouet extensible et des bombes miniatures assez ingénieuses, tandis que celui de 1942 se déplace à bord d’un vaisseau et utilise un grappin redoutablement efficace. Sur le plan esthétique, ils ont chacun une "gueule", une identité visuelle propre… même si celui de 1942 se retrouve affublé d’une vilaine tronche, à moitié chauve, privée de ses emblématiques dreadlocks, ce qui amoindrit sa prestance. Mais tout ce capital visuel est rapidement désamorcé, car ces Predators se font éliminer avec une facilité déconcertante. On est loin, très loin, du tueur impitoyable de Predator de 1987 ou du chasseur méthodique et implacable de Predator 2 en 1990. Ces nouveaux Yautja donnent plutôt l’impression d’être là pour perdre avec panache, comme s’ils s’étaient réincarnés en faire-valoir pour offrir une exécution (et rien d'autre) pour le public. Le plus frustrant, c’est que chaque segment se clôt sur une victoire humaine, sans que le scénario ne justifie réellement un tel déséquilibre. Pire encore, là où l’on pouvait s’attendre à ce que les armes primitives des époques représentées rendent le défi plus rude, c’est en réalité l’inverse, puisque les humains triomphent presque trop aisément. Cette faiblesse structurelle s’étend jusqu’au "Roi des Predators", figure supposée incarner le sommet de la hiérarchie Yautja. Sur le papier, le personnage a du charisme et une stature. Mais à l’écran, il manque cruellement de crédibilité. Il soumet les trois humains victorieux à une épreuve finale sur sa planète, dans une arène évoquant immanquablement celle de Star Wars : L’Attaque des clones, jusqu’à leur faire affronter une créature alien grotesque… Une séquence certes divertissante, voire cocasse, tant le film semble se prendre au sérieux tout en glissant un clin d’œil à Pinocchio, mais qui trahit profondément la mythologie Predator.



Depuis toujours, un Yautja reconnaît la valeur d’un adversaire capable de le vaincre. Il ne le punit pas, il l’honore. Une chose que le véritable roi des Yautja nous avait pourtant démontrée à deux reprises, et qui semble ici totalement oubliée. Je précise "véritable roi des Yautja", car ici il ne s’agit clairement pas du même personnage. Ce final, aussi énergique soit-il, va donc à l’encontre des fondations mêmes de leur code d’honneur. Une trahison narrative, camouflée sous une pluie d’effets et de bastons, mais qui laisse un goût d’incohérence tenace. Finalement, on comprend que Dutch (Arnold Schwarzenegger) et Harrigan (Danny Glover) ont sans doute, eux aussi, fini sur cette planète, capturés puis éliminés. À moins qu’ils ne soient encore quelque part, en cryostase, attendant leur tour dans l’arène… ça craint. Le pire, c’est que même l’épreuve finale tourne au grotesque tant elle manque d’équité. Plutôt que d’affronter les trois vainqueurs dignement, le roi des Yautja les force d’abord à s’entre-déchirer jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un, avant de le jeter contre un énorme monstre alien. Et ce n’est qu’une fois ce survivant exténué, vidé de ses forces, qu’il daigne l’affronter en duel soi-disant « égal ». Un affrontement complètement déséquilibré qui ne fait que renforcer le sentiment que ce soi-disant roi n’est qu’un imposteur, un pleutre drapé dans l’apparat de la puissance. Rendez-nous le vrai roi des Predators, celui dont la seule présence suffisait à imposer le respect. L’animation d'Alaa Afifeh joue un rôle ambivalent, à certains moments elle fonctionne plutôt bien, mais à d'autres, elle se révèle rigide, et sans véritable souffle. Elle échoue surtout à recréer l’atmosphère oppressante et tendue propre aux meilleurs volets de la saga. Visuellement, le parti pris esthétique manque de justesse, c'est trop lisse, voir trop jeu vidéo dans son rendu, malgré une violence bien présente. Un contraste qui nuit à l’immersion et laisse penser que l’animation n’était peut-être pas le médium le plus adapté pour faire honneur à l’univers des Yautja. En plus, visuellement, les Yautja sont moches. La composition musicale de Benjamin Wallfisch n'est pas mauvaise, mais ne restera pas gravée dans les mémoires.



CONCLUSION :



Predator: Killer of Killers est une tentative louable d’animation expérimentale dans l’univers Predator. Il y a des idées, et une volonté sincère d’étoffer le lore du Yautja. Mais tout cela reste bien trop superficiel, bien trop rapide, et bien trop malmené au nom du spectaculaire pour convaincre pleinement. Il aurait mieux valut trois films à part entière qui aurait pu étoffer chacune des époques face au Predator, plutôt que de faire un fourre tout survolé. Certains diront que c’est un mieux que rien, mais rien n'aurait pas été plus mal, car un vrai Predator mérite mieux qu’un survol d’idées.


Un 5/10, en espérant que ce ne soit qu’un brouillon prometteur pour un retour plus ambitieux, même si certaines idées explorées ici me font un peu peur pour la suite.



Un combat à mort. Un seul survivra. Un seul m'affrontera !

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