"Vingt jours sans guerre" est pour l'instant le film le plus austère que j'ai vu de Guerman, au mitan de sa filmographie ne comptant que 6 longs-métrages étalés sur près de 45 ans. Il s'agit pourtant sur le fond d'un scénario qui tourne autour d'une romance centrale, entre un reporter de guerre renommé et une femme travaillant dans les environs d'un plateau de tournage. Mais une romance qui naît pendant la permission éponyme de vingt jours accordée au protagoniste Vassili, au beau milieu de la Seconde Guerre mondiale, au lendemain de la bataille de Stalingrad : de base, le contexte ne brille pas par sa légèreté.
Mais la tonalité du film est encore davantage assombrie par la finalité du propos, qui se structure petit à petit autour de la mise en abyme du film dans le film : la représentation de la guerre, telle qu'elle est mise en scène, tel qu'il le constate, souffre de nombreux biais et n'est absolument pas conforme à ce qu'il avait consigné dans ses écrits. Guerman s'engage à ce titre dans une voix qui n'assure pas la clémence de la censure... En marge de ces considérations "Vingt jours sans guerre" est censé appartenir à un sous-registre assez classique de la romance contrariée, annoncée d'emblée ici par la durée limitée de la présence du protagoniste, et donc du caractère fatalement limité dans le temps de sa relation avec Anna. Mais de cet amour ionné contraint par les 20 jours de la permission, le film ne parviendra à mes yeux jamais le rendre tangible, intelligible, la confinant à une dimension théorique perdue au milieu de beaucoup d'autres considérations — et notamment le fait que bien qu'ils soient très loin du front, en l'occurrence en Ouzbékistan, la guerre reste omniprésente dans les esprits.
Dans cette logique, les deux principaux arguments du film (romance ardente et dissonance entre représentation de la guerre et sa réalité) n'évoluent pas de manière constructive. Guerman aborde de très nombreux thèmes autour des conséquences de la guerre sur la société, loin des appels à l'enthousiasme des autorités, mais jamais ces belles intentions ne parviennent à se sédimenter autour d'un tableau appréciable. Amer, anti-héroïque, original (cf. par exemple le monologue de 10 minutes dans le train, surprenant), mais peu aimable.