Indigne de la légende

Restez sur émulation...

C’est triste, parce que cette compilation aurait pu, ou aurait dû, être une célébration. Une porte d’entrée en or vers deux des JRPG les plus cultes de l’ère PlayStation. Mais ce que Konami nous a livré ici, c’est un peu l’antithèse de tout ce que Suikoden incarne... Une œuvre paresseuse, sans âme, qui ne comprend ni ce qui rend ces jeux précieux, ni l’attente qu’ils suscitent encore aujourd’hui.

Depuis sont annonce je l'ai attendu de pied ferme et mes premières minutes ont été une douche froide que je ne suis pas prêt d'oublier. Il est dans ma liste des achats compulsifs qui font réfléchir...

Parlons de l'éléphant dans la pièce... C'est quoi cet habillage de merde!?

Pardon, y'a pas d'autres manière de le voir, mais j'ai déjà pu tester des dizaines de fangame RPG Maker avec dix fois plus de soin! Faites l'expérience vous même... Allumez RPG maker et tentez de faire les débuts d'un RPG... Les boites de dialogues froides et sans vie, les animations rigides... C'est une honte et dans une ère du Remaster/Remake, c'est clairement le truc à ne pas faire, pour respecter le public qui va de nouveau er à la caisse plutôt que de rester sur émulation.

J'ai quand même lutté et je m'étais promis de les refaire respectueusement, après les avoir découverts et finis via des Roms...

Il faut dire que le premier Suikoden, je le respecte. Il a ses maladresses, ses limites, ses environnements ultra simplistes et sa narration un peu télégraphiée, mais il pose des bases qui ont influencé beaucoup de choses après. L’idée des 108 étoiles de la destinée, du QG qui se construit petit à petit, du héros muet embarqué dans une rébellion contre l’Empire, c’était du solide, à l’époque. Mais ce premier épisode ne tient plus aujourd’hui que comme une curiosité historique. Dès qu’on a goûté au deuxième, le premier devient presque une annexe. Un préambule.

Et désolé d'insister, mais cette compilation ne fait rien pour le remettre en valeur.

Le vrai bijou ici, c’est Suikoden II.

Toujours. L’un des JRPG les mieux écrits de son époque, avec ses trahisons, ses relations tissées à chaud, sa galerie de personnages plus nuancés qu’on ne le croit, et sa manière de jouer avec les attentes du genre.

Luca Blight, c’est peut-être l’un des antagonistes les plus brutaux, les plus inoubliables du médium. Et le système de duel, les batailles stratégiques, les choix moraux, tout ça tient encore debout. C'est clairement un des meilleurs jeu de la PSone.

Cette version "HD Remaster" donne l’impression d’être sortie tout droit d’un projet fanmade sous RPG Maker… et pas le plus soigné. Les sprites ont été és à la moulinette d’un filtre lissant qui les rend flous, pâteux, comme si on avait peur que le pixel art dérange. Le framerate est parfois instable (oui, même sur un remaster de jeu 2D...), et la direction artistique originale, déjà sublime à l’époque, se voit aplatie, désaturée, mal encadrée. Même les menus, au lieu de faire peau neuve ou de moderniser l’expérience, semblent juste posés là, sans amour.

Sans oublier ces fond 3D sans vie dans les arrières plan d'arène de combat. C'est graphiquement et en tous point, tout simplement misérable et je trouve ça dingue que personne n'est dit stop à une telle entreprise...

On pourrait se dire que OK, c’est brut, mais au moins les bonus seront là pour raviver la flamme. Mais même ça, non. Aucun effort pour contextualiser l’œuvre, pas de galerie d’art, pas de musique réorchestrée, pas d’interviews, pas de making-of, pas de rewind ou de fonctions modernes de confort. C’est une compilation dans son état le plus sec. Le strict minimum pour justifier une sortie. C’est une version “fonctionnelle” de jeux déjà patchés par les fans depuis des années, avec bien plus de respect pour le matériau original.

Et franchement ? J'insiste, certains de ces fangames ont bien plus d’âme et de finition.

Puis non, c'est pas parce qu'ils ont rajouté des déplacements en diagonales que l'expérience est plus fluide... Arrêtez, ils auraient dû en faire 10 fois plus!

Il y a aussi une forme d’ironie cruelle à voir cette compilation sortir à un moment où le JRPG classique est justement en train de connaître un vrai regain d’intérêt. Entre, Clair Obscure Expédition 33, Sea of Stars, les Octopath Traveler, ou même les retours en force de Live A Live, des FF pixels remaster et Tactics Ogre, on voit ce que peut être une vraie réinterprétation d’un jeu culte. Là, Konami semble juste capitaliser sur la nostalgie, sans prendre la peine de comprendre pourquoi ces titres ont marqué.

Déjà récemment déçu par le remake de Silent hill II, j'aimerais bien savoir par quel miracle Konami n'a pas mis la clef sous la porte!

Et pourtant, ça aurait pu être si beau. Rejouer Suikoden II avec un lifting respectueux, une OST retravaillée, une carte du monde animée, des artworks redessinés, quelques petits ajouts QOL... mais non. On a un habillage maladroit, un feeling rigide, et une compilation qui donne davantage envie de retourner à l’émulation ou aux versions fan-trad. Ça pique de dire ça, mais Suikoden I&II HD Remaster, c’est une insulte douce et molle à ce que la série représente. Un produit sans ion, là où les jeux d’origine débordaient d’émotion et de convictions.

Alors oui, à la fin, oui, les jeux sont toujours là, et l’histoire de Riou, de Nanami, de Jowy continue de valoir le détour. Mais cette version n’en est pas digne. C’est un service minimum, et même à prix réduit, ça laisse un goût amer. Je ne voulais pas une compilation parfaite. Je voulais juste qu’on respecte ce que ces jeux ont été. Là, tout ce qu’on nous sert, c’est une porte rouillée vers un pan de l’histoire du JRPG.

À ce niveau-là, on n’appelle plus ça un hommage. On appelle ça un enterrement discret.

Adieu Suikoden et vive l'émulation...