Dérives à Port-au-Prince

7 ans après La belle de Casa, Nation cannibale marque le retour de In Koli Jean Bofane, l'un des plus grands auteurs africains des dernières décennies, avec notamment Mathématiques congolaises et Congo Inc. Un nouveau livre qui permet de retrouver le style inimitable de l'auteur, que le seul qualificatif de truculent ne suffit pas à caractériser complètement. Pour ausculter l'état du monde, en général, et des relations humaines, en particulier, Bofane n'a peur de rien, usant de la bouffonnerie et de l'ironie vacharde, de même que d'une pointe de surnaturel, pour stigmatiser la folie ambiante. Plusieurs lignes narratives se croisent et les personnages abondent, un peu trop, sans doute, pour ne pas regretter que le chaos soit un peu trop présent, au détriment de la pugnacité d'un récit qui se partage entre Haïti et la République démocratique du Congo. L'écrivain fictif, dont le roman décrit les débordements charnels et abusifs, avec un côté DSK très marqué, aurait mérité que davantage de pages lui soient consacrés, alors que d'autres protagonistes, moins flamboyants, ont aussi droit à de longs ages. Bofane reste cependant toujours aussi caustique et fait participer avec jubilation plusieurs de ses collègues écrivains aux intrigues de Port-au-Prince, de Mabanckou à Trouillot, en ant par Laferrière, évidemment. Et son évocation de la mort, des dérèglements climatiques et des clivages sociaux confirment qu'il reste un citoyen lucide et engagé, derrière son camouflage d'amuseur, amateur de grotesque, et de sorcier, pas dupe de sociétés aux dérives incontrôlables.

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le 2 avr. 2025

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